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mardi 26 avril 2016

La littérature érotique est-elle réservée aux femmes ?



Ce serait oublier un peu vite que, pendant des siècles, elle a été écrite principalement par des hommes. Si aujourd’hui les femmes prennent la plume, cette prose n’est pas leur pré carré, loin de là. D’ailleurs, le livre qui jouit actuellement d’un succès planétaire Cinquante Nuances de Grey (de E.L James, chez JC Lattès) est-il vraiment érotique ? Le texte est d’une platitude incroyable, le scénario, une suite de clichés enrobés de mots crus. Il met en scène une jeune vierge initiée par un milliardaire, comme si son compte en banque bien garni lui donnait un pouvoir érotique supérieur…


Ayant longtemps été accusées d’être mièvres, les femmes se croient désormais sommées d’assumer leurs fantasmes, de dépasser leurs inhibitions et, à leur tour, de tout mettre en vitrine ! Or, c’est rarement le langage vulgaire qui crée le trouble. Par ailleurs, n’est-il pas triste que les hommes ne fassent pas l’effort de construire un imaginaire sexuel qui leur soit propre ? Pas en lisant ou en écrivant forcément ce genre de littérature, sauf si elle les attire particulièrement, mais en laissant émerger leur dimension érotique, qui n’est pas celle des femmes.
Partir de l’idée que cette littérature n’intéresse que les femmes, c’est supposer que les hommes sont incapables d’une quelconque élaboration psychique dans le domaine sexuel. Pour se mettre en émoi, ils n’auraient besoin que d’une paire de seins, de fesses, d’une bouche pulpeuse. Si cet accès direct, immédiat à l’excitation n’est pas un mythe, il n’est pas le seul.

Les hommes qui adhèrent à cette vision quelque peu caricaturale de la sexualité réalisent qu’elle ne fonctionne en fait que dans les premiers temps d’une rencontre. Et que, à mesure que la relation s’installe, faire preuve de créativité est indispensable. S’ils y sont fixés, ils seront d’ailleurs contraints à l’infidélité pour retrouver cette excitation primaire.
Pour la femme, ce cliché qui réduit l’autre à une simple mécanique a tout de même un aspect rassurant : il évite de penser que le partenaire est susceptible d’élaborer des rêveries d’où elle serait peut-être exclue.
C’est cette même logique qui est à l’oeuvre quand la femme pense qu’un homme qui éjacule jouit : elle garde ainsi la pleine maîtrise sur la jouissance de son partenaire. Mais plus que tout, elle conserve l’idée qu’elle est, quant à elle, un être complexe, faisant ici preuve d’une certaine condescendance envers les hommes…

Ajoutons que les femmes n’invitent pas ces derniers à entrer dans leur imaginaire, car elles ont besoin de cette prétendue simplicité masculine pour sortir de leur rêverie et se donner la permission de passer à l’acte. Une fois de plus, les deux sexes s’enferment dans une caricature qui ne sert pas la relation.

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