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samedi 12 décembre 2015

Les femmes sont liées au surnaturel



Remontons le temps, ou redescendons en nous, afin de retrouver toutes ces femmes qui sont intimement liées au sacré. Nous rappellerons ici quelques mythes, des figures oubliées des anciennes religions, sans nous astreindre à une chronologie puisque le sacré est hors-temps c’est-à-dire présent partout.
On notera que les femmes sont toujours liées au surnaturel, et qu’ainsi il n’y a pas vraiment de distinction entre femmes humaines et déesses.
Dans l’Épopée de Gilgamesh, c’est une courtisane qui éveille Enkidu, par l’art d’amour ; de ce quasi-animal elle fait un être humain, qui pourrait cueillir la fleur d’immortalité, s’il ne maudissait pas la femme, s’il lui faisait confiance.
Isis, la divinité de l’Égypte ancienne, a le pouvoir de ressusciter les morts, de rassembler ce qui a été dispersé. C’est le « Solve et coagula » de l’Œuvre hermétique. Elle retrouve les morceaux du cadavre de son frère et époux Osiris, lui redonne vie, et de la putréfaction d’Osiris un enfant naît. Le vieil homme fait place à l’enfant lumière. Isis est par excellence le personnage de l’initiatrice, ou encore elle représente Dame Alchimie. Elle se continuera, plus tard, dans la lignée des Vierges noires, que le christianisme a tenté de récupérer, et sous la figure de la Papesse du Tarot, arcane II, femme voilée qui détient le livre de vie et la clef de la connaissance.
Il est d’ailleurs intéressant de considérer les couples que nous offrent diverses religions : couple constitué d’un homme ou d’un dieu qui meurt, et d’une femme immortelle. Isis et Osiris, mais aussi Ishtar et Tammuz, Cybèle et Atys, Aphrodite et Adonis, Freyja et Balder, Déméter et Dionysos-Zagreus… On pourrait ajouter Iseult et Tristan. Ces femmes représentent la puissance de vie, d’amour, qui se joue du temps, de la mort, de l’irréversible. Elles vont tout au bout de la souffrance, des ténèbres, de l’espoir aussi, pour retrouver le fils ou l’amant perdu et lui donner seconde vie.
La Tradition celtique est riche en femmes initiatrices, le plus souvent femmes brunes, par exemple dans le conte de Peredur, qui préfigure la quête de Perceval. Ce sont des femmes-fées qui habitent l’île des bienheureux, l’île d’Avalon. Quant au Graal, il baigne dans une lumière et une thématique entièrement féminines. De cette souveraineté féminine, les règles de l’amour courtois se souviendront : qu’elle se nomme dans la légende Guenièvre, ou dans la réalité Aliénor d’Aquitaine, la femme apparaît comme la Reine, la Maîtresse pour qui les hommes accomplissent leurs exploits, la Dame d’amour qui impose des épreuves mais sourit au chevalier vainqueur. Le Roman de la Rose ne dit pas autre chose que cette quête de la Femme éternelle, sous ses masques successifs, parfois cruels ou rebutants.
De la mythologie grecque, on peut retenir Ariane, qui détient le fil lumineux de l’intuition et de l’initiation, permettant au candidat Thésée de sortir du labyrinthe, de ses ténèbres intérieures, et de naître à nouveau. Quant au prudent et rusé Ulysse, candidat à l’initiation (symbolisée par une navigation, un grand voyage), il fuit systématiquement les Circé, Nausicaa, Calypso, qu’il rencontre à chaque étape : il a peur pour lui, pour son intégrité physique et psychique, il fuit la femme et l’épreuve ; c’est pourtant une femme, Pénélope, qui marque la fin et sans doute le but de son voyage si long.
Évoquons encore Kali-Durga, divinité de l’hindouisme, qui fait office de gardienne du seuil, coupe les têtes c’est-à-dire tranche les illusions. Dans le shaktisme, on la représente volontiers debout, dansant sur le cadavre du dieu Shiva, comme l’énergie allant éveiller la matière inerte. Amaterasu, déesse-soleil du Japon antique, recluse dans une chambre sacrée et tissant des vêtements divins (disons : tuniques de lumière). Rappelons le rôle important joué par les femmes aux premiers temps du christianisme, leur présence lors de la Résurrection du Christ, et leur qualité d’initiées dans la tradition gnostique.
Rappelons que c’est une femme, Béatrice, qui guide Dante vers le Paradis lumineux ; une femme, Aurélia, qui révèle à Gérard de Nerval les mystères de la Destinée. C’est sous une forme féminine qu’est représentée la Sagesse, ou l’âme du monde, dans la Tradition initiatique qu’illustrent un Shakespeare comme un Léonard de Vinci (cf. Les jardins de Bomarzo, le Songe de Poliphile, la Joconde, et les pièces de Shakespeare, toutes chiffrées, dont le Conte d’hiver.)
C’est encore une femme, une veuve (Isis ou la mère d’Hiram), qui symbolise l’initiation maçonnique, la quête de la parole perdue, et le passage des ténèbres à la lumière.

On pourrait enfin évoquer divers contes, chargés d’enseignement : Peau d’âne, jeune fille lumière dissimulée au yeux du profane par un vêtement grossier (cf. Apulée : L’âne d’or ou les Métamorphoses) ; ou Shéhérazade, dans la tradition musulmane, dont la parole éveille et donne vie au Sultan, Shéhérazade tenue cachée et prisonnière entre les murailles du palais officiel comme la connaissance ésotérique (le sens intérieur, « batin ») est recelée et parfois étouffée sinon mise à mort par l’exotérisme (ou « zahir ») : ou Mélusine, porteuse d’un secret, qui peut conférer l’immortalité aux humains mais s’échappe si on veut la saisir ; Mélusine qui représente la véritable puissance du mortel Raimondin.

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