Dans de nombreuses
cités grecques, le mois débutant mi-septembre était nommé Demetrion, d’après
Déméter, Déesse de l’agriculture. Les mystères d’Éleusis et les thesmophories
sont d’anciens cultes agraires, dont les origines remontent probablement à la
période mycénienne, vers 1500 avant notre ère, si ce n’est plus loin encore. Le
mythe à l’origine de ces cultes est l’enlèvement de Koré («jeune fille»), par
Hadès, le roi du monde souterrain et des défunts. Déméter cherche en vain sa
fille, et dans son désespoir délaisse l’humanité, et la famine s’installe sur
terre. Zeus exige alors que Koré soit rendue à sa mère. Mais celle-ci a mangé
des graines de grenade (symbole sexuel) au royaume des morts, en conséquence de
quoi elle devra rester une partie de l’année aux côtés d’Hadès. Reine des
morts, elle adopte le nom de Perséphone. Ce mythe explique le cycle des saisons
: lorsque Perséphone est sous terre, Déméter,
dans sa tristesse, délaisse la croissance des végétaux. Lorsque la Déesse de
l’agriculture retrouve sa fille, la végétation renaît.
Les mystères d’Éleusis
Il s’agit de
cérémonies initiatiques annuelles liées au culte de Déméter et de Perséphone, qui
se déroulaient à Éleusis, à une vingtaine de kilomètres d’Athènes. Les mystères
d’Éleusis jouissaient d’une grande renommée dans tout le monde antique. Ils
étaient accessibles à tous, citoyens, femmes, esclaves ou étrangers. Les seules
conditions étaient d’être adulte, de comprendre et parler le grec, et de ne pas
être coupable de meurtre. L’initiation se faisait en deux parties : les petits
mystères, célébrés en mars, préalable aux grands mystères de septembre. Au
cours des petits mystères, les participants sacrifiaient des porcelets à
Déméter et Perséphone, et se purifiaient rituellement en se baignant dans la
rivière Illisos.
La première étape
des grands mystères consistait à amener les objets sacrés d’Éleusis à
Eleusinion, un temple au pied de l’Acropole. Les initiés allaient alors se
purifier dans la mer et lavaient également un porcelet. Ce dernier était
sacrifié, l’initié aspergé de son sang, puis l’animal était enterré. Une
procession partait du cimetière d’Athènes vers Éleusis, les initiés balançant
en chemin des branches nommées bakchoi.
En certains lieux,
ils proféraient des obscénités en souvenir de Iambe (ou baubo), une vieille
femme, qui par ses blagues vulgaires avait fait sourire Déméter endeuillée par
la perte de sa fille. En chemin, ils
jeûnaient pendant une journée, puis buvaient une boisson à base d’orge
et de menthe appelée kykeon.
A Éleusis, les
initiés pénétraient dans le telesterion pour
la partie la plus secrète des rites, qu’il leur était interdit de révéler sous
peine de mort. On pense que cette étape comprenait 3 éléments : dromena
(«les choses faites») : une reconstitution dramatique du mythe
de Déméter et Perséphone, deiknumena (les
choses montrées) : l’exposition d’objets sacrés, et enfin legomena
(les choses dites) : les commentaires accompagnant les deiknumena.
Certains pensent que des substances psychoactives étaient alors utilisées. Cette partie des
mystères était suivie d’une fête avec des danses, puis un sacrifice de taureau.
Le rite s’achevait par des libations aux défunts.
Thesmophories
Les thesmophories se
déroulaient entre octobre et novembre, ce qui correspondait en Grèce antique, à
la saison des semailles de l’orge et du blé d’hiver. Elles semblaient destinées
à assurer la fertilité humaine et agraire. Le déroulement exact des
thesmophories reste mystérieux, mais l’on sait que cette fête était réservée
aux femmes épouses de citoyens. Les matrones délaissaient les tâches
domestiques pour participer à ces festivités des semailles. Elles élisaient
quelques unes d’entre elles pour présider aux banquets officiels.
Elles apaisaient
sans doute symboliquement les angoisses de Déméter dont la fille était enlevée
par Hadès. Elles priaient aussi probablement pour des récoltes abondantes. Les
femmes devaient respecter certains tabous liés au mythe, comme ne pas porter de
couronne de fleur, ni manger de graines de grenade. Une nuit de préparation, Stenia,
précédait les thesmophories proprement dites. Pendant celle-ci, les femmes
s’insultaient et échangeaient des grossièretés, en mémoire des propos de Iambe qui parvinrent à faire rire Déméter
endeuillée. Les moqueries indécentes étaient apparemment caractéristiques des
rites de Déméter, en particulier lorsque les femmes se réunissaient entre elles
pour des rites secrets. Elles étaient supposées encourager la fertilité.
Avant le festival,
certaines femmes plaçaient des amulettes de fertilité, des pains en forme de
phallus, des pommes de pins et des porcelets sacrifiés (associés aux parties
génitales féminines) dans une salle possiblement remplie de serpents, nommée
megara. Au cours des thesmophories proprement dites, une fois que les restes
des porcelets avaient commencé à pourrir, les femmes devaient respecter
certains tabous liés au mythe, comme ne pas porter de couronne de fleur, ni
manger de graines de grenade. Le premier jour des thesmophories était Andos,
l’ascension. Emmenant avec elles tout ce dont elles auraient besoin pour deux
nuits et trois jours, les femmes gravissaient sur une colline et montaient le
camp sur le Thesmophorion : le sanctuaire de Demeter Thesmophoros «Déméter qui
a apporté les lois». Il ne s’agit pas ici de lois politiques, mais de lois de
la nature, et plus précisément de l’agriculture.
Le second jour des
thesmophories était la Nestia, le jeûne. Les
femmes jeûnaient et se moquaient les unes des autres, à nouveau avec un langage
grossier. Elles pourraient aussi s’être frappées avec des fouets d’écorces.
Le troisième jour
des thesmophories était la Kalligeneia,
«qui engendre du beau». Il commémorait la recherche par Déméter, à la lueur de
la torche, de sa fille, par une cérémonie nocturne avec des torches. Des
femmes, purifiées rituellement, descendaient dans la megara
pour récupérer les restes en décomposition de porcelet, pommes
de pin, et pains en forme de parties génitales masculines, frappant dans leurs
mains pour effrayer les serpents. Les Thesmophories constituent donc un rite de
magie sympathique, avec l’idée que les objets symbolisant la fertilité
procurent celle-ci. Le culte des
Thesmophories a subsisté à Rome sous une forme modifiée dans la fête de
Bona Dea.
Par Siannan
Ressources
Eleusis: The Secret and Meaning of the Mysteries,
Richard G. Geldard
The Ritual Path of Initiation into the Eleusinian
Mysteries, Mara Lynn Keller
Initiation into the Eleusinian Mysteries: a ‘thin’
description, Jan Bremmer
Interpreting the Athenian Thesmophoria, Allaire
Stallsmith
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