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vendredi 6 octobre 2017

La Femme émancipée


Il convient de rappeler que les études féministes ont eu un rôle essentiel dans l’essor d’une sociologie du genre. Afin de recadrer le sujet dans une problématique globale, il est intéressant de noter les antécédents historiques de la construction sociologique du genre.

Traditionnellement l’homme est considéré comme supérieur, on peut y apporter des explications diverses à commencer par des facteurs génétiques et biologiques qui voudraient que la femme soit le « négatif » de l’homme. Autrement dit la féminité du point de vie biologique serait construite sur un manque, à commencer par celui du chromosome Y.

Du point de vue physiologique aussi le sexe féminin est un sexe « par défaut », il faut l’apport des hormones masculines pour que les organes masculins se développent, « à défaut » de quoi, l’individu sera féminin. Au départ donc, avant que n’émergent les questions de genre (autrement dit de sexe social), la femme est intrinsèquement inférieure car non déterminée.




Les études sur ce genre coïncident avec l’apparition de revendications féminines en France dans les années 1880. Ce mouvement revendicatif se poursuit jusqu’à son apogée dans les années 1960/1970, époque marquée entre autre d’un livre de référence Le deuxième sexe  de Simone De Beauvoir. Dans ce livre l’auteur insiste sur un concept qui commence déjà à connaître un certain retentissement, celui du genre, c'est-à-dire de la construction sociale du sexe. Selon De Beauvoir « on ne naît pas femme on le devient », le livre rompt avec la tradition de déterminisme biologique, anthropologique, psychique… Il aura donc fallu une série d’étapes de confrontation et de lutte féministe pour qu’on s’intéresse aux rapports de genre. Les « gender-studies » sont une discipline qui connaît un essor important dans les pays anglo-saxons où peut à peu les études sur le genre vont s’autonomiser du simple rapport conflictuel de confrontation pour en étudier l’essence même.

Au sein de la famille, la mère continue à prendre en charge la grande majorité des activités de soins des enfants et des tâches domestiques. En dépit d’une autonomie des femmes croissante, c’est là l’un des domaines où la place de la femme a le moins évolué.

Malgré l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail, elles restent celles qui ont en priorité la charge des enfants, le « temps parental » représente environ 21 h 10 pour une femme active à temps plein contre 12 h 40 pour un homme actif par semaine. Il est aujourd’hui largement reconnu qu’absolument rien de biologique ou de naturel n’assignerait la femme à prendre soin des enfants et de son foyer, la démonstration est particulièrement édifiante dans l’ouvrage d’ Elizabeth Badinter, L’amour en plus . Aucune base sociologique solide ne peut ainsi défendre l’idée selon laquelle si la mère prend en charge l’essentiel de l’éducation des enfants c’est parce qu’elle y est poussée par un lien biologique autrement dit « un instinct ».

En revanche la domination au sein du couple est bel et bien présente, en particulier parce que la plupart du temps, et c’est particulièrement le cas dans Femmes au bord de la crise de nerfs, la femme attend plus de l’homme que celui-ci n’attend d’elle.

Le couple « moderne » peut se définir comme un modèle de couple issu des années 1970, dans ce modèle de couple les partenaires sont « deux sans se confondre », l’union doit être source d’épanouissement personnel pour les deux parties, le couple n’est donc plus la confusion de deux destins mais c’est bel et bien le couple qui doit être au service du bonheur de l’individu et pas l’inverse. Ce nouveau couple est plus égalitaire et à l’avantage des femmes, elles considèrent à présent qu’elles ont le droit de s’épanouir personnellement à travers le couple et d’exister pour elles-mêmes.  L’amour est donc le ciment du couple «moderne », si celui-ci n’est plus au rendez-vous les partenaires ont d’autant moins de scrupules à se séparer que le lien conjugal s’est « privatisé », c'est-à-dire est moins soumis au jugement de la société.30Ce nouveau type de lien basé sur l’amour et plus ou moins émancipé des contraintes sociales mène à une hypertrophie des attentes du lien conjugal.

Ainsi les femmes attendent de plus en plus du couple qui est synonyme d’épanouissement, néanmoins les rapports hommes/femmes restent imprégnés d’une domination découlant entres autres d’une répartition des tâches inégalitaires. Les femmes se retrouvent ainsi déçues et frustrées quand leur couple n’est pas à la hauteur de leurs espérances. On observe dans les films que, s’agissant d’un couple « traditionnel » ou d’un couple « moderne », l’homme est toujours en position de dominant et la femme toujours en attente de plus d’attention.

On peut définir le couple « traditionnel », par une forte sexualisation des rôles, et une forte clôture vis-à-vis de l’extérieur, à l’inverse le couple dit « moderne » serait plus égalitaire et plus tourné vers l’extérieur.

La question de l’apparence que prend la féminité fait l’objet d’un grand consensus au sein de la société et l’idée de « féminité » est d’emblée associée à certains éléments censés être caractéristiques de l’apparence féminine. La littérature et le cinéma ont d’ailleurs beaucoup contribué à la définition de cet « éternel féminin », en mettant en scène les clichés féminins de l’élégance dans ses personnages. Les films de Pedro Almodóvar ne font pas exception à la règle. On peut remarquer que les héroïnes de ses oeuvres ont pour la plupart une apparence soignée et sophistiquée qu’on a pour habitude de qualifier, très à propos, de « féminine ».

Ainsi dans leurs rapports sociaux, alors que pour les hommes le cosmétique et les  vêtements tendent à effacer le corps au profit d’une position sociale, pour les femmes ces attributs tendent à en faire un langage de séduction déterminant. Autrement dit, dans les relations sociales l’apparence physique de la femme est primordiale alors que celle de l’homme est indissociable d’une certaine position sociale. La femme est donc, indépendamment de son statut social avant tout une femme et donc un corps et un physique  féminin. Ce constat débouche sur le fait qu’il est d’autant plus nécessaire pour une femme de soigner son apparence puisqu’en tant que bien symbolique avant tout, elle est ce qui la définit en premier lieu. Selon le sociologue l’attention que les femmes portent à leur apparence n’est donc pas seulement imputable au « complexe mode-beauté » mais surtout à cette relation fondamentale qui l’institue comme « être perçu ». Ainsi pour les femmes, le regard d’autrui n’est pas un mal nécessaire mais un besoin puisqu’il est constitutif de son être.

Cette relation avec le regard de la société reste inchangée même si en apparence, la femme est aujourd’hui plus libérée et a le choix de l’usage de son corps. Selon Bourdieu, l’exhibition contrôlée dont font preuve les femmes, laisse leur corps « très évidemment subordonné au point de vue masculin ». Le sociologue J.C Kaufmann, a, par ailleurs, étudié le sujet à travers un phénomène du quotidien, les seins nus sur la plage. Celui-ci, se basant entre autres sur les travaux de Norbert Elias, souligne que le dénuement de la femme au fil des siècles, loin d’avoir provoqué une libération a surtout contribué d’une part à une banalisation du corps féminin, plus précisément à une neutralisation de la vision érotique systématique sur le corps, d’autre part à une montée des autocontraintes. Ce phénomène relève du « processus de civilisation », qui a contribué à l’évolution de la perception du corps féminin. En ce qui concerne l’ « hexis corporel » en particulier, l’évolution est passée du corset physiquement contraignant, à des normes de tenues plus discrètes imposées socialement.

Un aspect intéressant du livre de Kaufmann est qu’il introduit une notion absolument essentielle, la beauté. La beauté est devenue selon lui si sacrée qu’aujourd’hui tout est permis en son nom. Il remarque d’ailleurs que les femmes sur la plage ayant de « beaux » seins sont nettement moins soumises à réprobation que les autres. C’est là le troisième aspect qu’il prend en considération dans le corps féminin.

Il distingue dans son ouvrage trois corps de la femme. Le premier est celui que nous avons évoqué celui de la banalité, l’exposition croissante du corps le rend paradoxalement moins visible. Le second est le corps sexuel de la femme, qui fait naître chez les hommes un regard érotique (qu’ils ont d’ailleurs parfois du mal à assumer sur la plage). Le dernier est le corps « beauté », la beauté est alors comprise comme pure esthétique, presque comme un attribut artistique, dénué de toute connotation sexuelle. La beauté est l’absolu que les femmes doivent viser en prenant soin de leur apparence, néanmoins le sociologue révèle également une brèche dans cet idéal : les critères de beauté sont tout à fait arbitraires. Le désir masculin dans la société moderne trouve par exemple belle une femme mince et élancée ou bien est séduit par un maquillage soigné car ces attributs sont dits être « beaux ».



Néanmoins, les tableaux de maitres illustrant des femmes corpulentes à demi nues ne sont-ils pas censés être eux aussi de beaux tableaux ? Les courbes d’une femme mince ou d’une femme enrobée ne sont pas objectivement plus belles l’une que l’autre du point de vue artistique, il s’agit donc bien d’un construit social de la beauté de la femme. La beauté n’est donc pas une donnée objective mais repose sur un certain nombre d’apparats et d’accessoires censés manifester la beauté. Nous allons voir que sur cet aspect Pedro Almodóvar rentre complètement dans le jeu des apparats de la féminité, les mettant très souvent en valeur.

La beauté féminine n’est en réalité qu’une série de normes pré-établies et intériorisées par les femmes. Même si au départ elles ne contribuent que très peu à la définition de la féminité puisque « l’usage du corps féminin restant bien évidemment soumis au jugement masculin ». Le physique féminin instauré par ces normes est soumis à jugement social, ce qui en fait tout à la fois une contrainte et une priorité pour les femmes.

Extrait de " La femme face aux nouveaux enjeux de la féminité dans les films » doc.sciencespo-lyon.fr



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