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jeudi 11 août 2016

LA VIRGINITE FEMININE


Psy : La virginité féminine peut sembler dépassée dans notre société sexuellement libérée, pourquoi écrire un livre sur le sujet ?

Yvonne Knibiehler : La virginité féminine est en réalité un sujet très actuel. Si la défloration est devenue un événement physiologique insignifiant, elle reste un rite de passage. Perdre sa virginité, c’est quitter l’enfance, découvrir l’autre, l’autre sexe. C’est franchir ce seuil, qui ne va pas toujours de soi.

On entend aussi beaucoup parler actuellement, notamment chez les femmes de culture musulmane, de réparations d’hymen, de certificats de virginité. J’ai voulu mieux comprendre ces conduites. Celle aussi de l’américaine Paris Hilton qui, comptant les amants à la centaine, a déclaré qu’elle ferait réparer son hymen le jour où elle se marierait. La virginité féminine est également à la source de nombreux faits divers. Il y a eu le cas de cette étudiante américaine qui a mis la sienne aux enchères pour financer ses études. Ou encore le procès entre ce couple à Lille, dont le mariage a été rompu par l’époux lorsqu’il a découvert que sa femme n’était pas vierge. Loin d’être désuète, la virginité féminine tient encore une place symbolique considérable dans notre société.
Elle semble pourtant avoir perdu toute valeur…




Yvonne Knibiehler : Pourtant, la virginité consacrée, par exemple, n’a pas du tout disparu. Au contraire. Le nombre de femmes qui font vœu de célibat et de chasteté pour se consacrer à Dieu et aux autres ne cesse d’augmenter en Occident et en Amérique, notamment latine. De même, aux Etats-Unis, le mouvement No Sex - qui commence à prendre de l’ampleur en Europe -, rassemble des gens qui entendent s’affirmer en maîtrisant leur sexualité. Depuis les années 1970, nous avons traversé une période de sexualité triomphante où il fallait absolument faire l’amour le plus tôt possible, jouir le plus intensément possible. Mais il semble que nous soyons arrivés au seuil d’une période un peu différente.
Que symbolise la virginité ?

Yvonne Knibiehler : Dans la nature, tout être vivant est fait pour se reproduire et se reproduit à tout prix. Le culte de la virginité et de la chasteté est, je pense, une réaction d’humains qui ne veulent pas céder aveuglément aux forces de la nature. Il s’agit de se protéger contre cette puissance extraordinaire de la sexualité.

Pourquoi la virginité semble-t-elle être une problématique typiquement féminine ?

Yvonne Knibiehler : Les femmes ont toujours été plus préservées, et donc moins tentées. On a toujours trouvé peu de garçons vierges, et pour cause : rien ne les y poussait. Ils étaient même encouragés à affirmer leur force virile. Aujourd’hui, et c’est la nouveauté par rapport aux siècles passés, on n’essaie plus de préserver les filles, de les protéger. Les adolescentes sont d’ailleurs nombreuses à dire que leur virginité les encombre, qu’il leur tarde de s’en débarrasser. Au collège, au lycée, elles se demandent entre elles : « est-ce que tu l’as fait toi ? », « comment c’était ? »…

Vous expliquez que la virginité, a, pendant des siècles, assuré trois fonctions. Lesquelles ?


Yvonne Knibiehler : La virginité féminine a d’abord permis de garantir l’authenticité d’une filiation. Un homme épousait une fille vierge pour être sûr que leurs enfants seraient de son sang. C’était aussi un moyen de réserver l’initiation sexuelle de l’épouse à son mari. Un homme, en faisant découvrir à une vierge le plaisir d’amour, pouvait espérer obtenir sa fidélité en la rendant amoureuse grâce à la découverte d’Eros.

Enfin, avec la naissance du christianisme, la virginité s’est trouvée valorisée. Les Pères de l’Eglise l’ont proposée comme vertu suprême non seulement aux femmes, mais aussi aux hommes. Rester vierge, c’était refuser la domination de la sexualité, du corps, sur l’esprit. C’était une manière de se rapprocher de Dieu et d’accéder à la sainteté. Pour les jeunes filles chrétiennes, ce fut une véritable découverte : elles pouvaient désormais refuser le mariage et l’enfantement, leur unique vocation depuis des siècles, pour se vouer à Dieu et au développement de l’esprit. Cette promotion de la virginité, entre le Ier et le IVème siècle, a constitué la première forme d’émancipation féminine.
Que reste-t-il de ces trois fonctions aujourd’hui ?

Yvonne Knibiehler : Aujourd’hui, la pureté d’une lignée peut être assurée de différentes manières (empreintes génétiques, procréation assistée…). Plus besoin d’épouser une fille vierge. Avec les moyens de contraception, une femme peut aussi choisir qui sera le père de ses enfants. De même, lorsqu’un jeune homme et une jeune fille font l’amour, ils s’initient mutuellement. Et les premières expériences sexuelles, désormais sans risque de grossesse grâce aux moyens de contraception, ne visent pas toujours à faire durer l’amour. Reste la troisième fonction, qui conserve pour certains de la valeur. Notamment ceux qui veulent se consacrer à des tâches ou à des études importantes. Ils peuvent refuser la sexualité parce que celle-ci entrave le développement de leur esprit. Cela continue d’être une fonction essentielle de la virginité.

Pour les féministes, la virginité est une invention, un fantasme masculin. De quoi ?

Yvonne Knibiehler : L’idée du sang qui coule au moment de la défloration est un fantasme masculin, celui d’un homme qui s’empare d’une femme parce qu’il la fait saigner. Elle est à lui, son sang marque son corps. Pourtant, au 19ème siècle, le grand naturaliste Georges Cuvier – et les médecins se sont ralliés à ce discours - a démontré qu’on ne pouvait pas vérifier la virginité d’une femme au saignement de l’hymen. Celles qui ne saignent pas ne sont pas pour autant dépourvues de virginité. Le saignement gratifie les hommes, ils apprécient l’idée d’être le premier, le seul.

Longtemps, la virginité féminine a donc été un moyen d’assurer la domination masculine sur les femmes. Avec la libération sexuelle, les choses semblent avoir changé. Mais est-ce vraiment le cas ?

Yvonne Knibiehler : Il n’est pas certain que dans ce domaine, la domination masculine ait disparue. Dans de trop nombreux cas, on trouve des garçons qui vont presser les jeunes filles, même si celles-ci ne sont pas prêtes. Ils vont leur dire que si elles ne cèdent pas, ils iront voir ailleurs ; qu’elles ne risquent rien grâce à la contraception, et qu’au pire, elles se feront avorter. Malheureusement, nombre d’entre elles vont céder.

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Simple état physique ou vrai trésor intime, la perte de sa virginité constitue une étape plus ou moins importante dans la vie sexuelle de chacun. Les psychonautes racontent...

A suivre : "Virginité : je me souviens". Un documentaire de Johanna Bedeau et Diphy Mariani, avec Yvonne Knibiehler, le 19 septembre, à 17h, sur France Culture.

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La virginité féminine. Mythes, fantasmes, émancipation,d'Yvonne Knibiehler (Odile Jacob).

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