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lundi 7 décembre 2015

LA FEMME OUBLIEE


Les femmes sont sans doute moins soucieuses de fonder, de bâtir (religion ou maison), de laisser des marques, car elles ont le pouvoir de donner la vie, car elles sont elles-mêmes demeure ou maison ; porteuses de vie, elles ont, plus que l’homme, le sens du relais, le sens des choses et des êtres passants et passagers. Et l’aspect gratuit, prodigue de la vie s’accorde avec leur corps fécond.


Par son corps même, la femme est davantage liée au mystère, aux forces cachées et souveraines, aux puissances telluriques et cosmiques. Cette réceptivité l’a du reste rendue suspecte, et très vite on a parlé de sorcellerie, de satanisme, d’occultisme ; aujourd’hui encore, si une femme a des accents mystiques, on la traite de folle ou d’hystérique.
On est bien obligé de reconnaître que la femme a été occultée dans tous les domaines de la pensée, de la création, du pouvoir. On a minimisé son rôle pour lui ravir sa puissance. Il est étonnant par exemple que de la Bible on ne retienne avant tout que les figures masculines, alors que les femmes y sont très nombreuses et très importantes ; on reconnaît sans discuter les hommes, dénommés prophètes, mais quand il s’agit de prophétesse, on nous avertit que ce terme ne signifie pas la même chose, que c’est plutôt devineresse, poétesse… 
Comme si les hommes seuls avaient le privilège de la parole inspirée et de la connaissance sacrée [On oublie les sibylles qui rendaient les oracles divins, dans les sanctuaires]. Et dans le Coran, la figure puissante de Mahomet efface toutes les femmes – ses femmes d’abord – qui lui ont transmis les messages divins.
Et les femmes se sont tues. Peut-être moins par ordre imposé que parce que leur savoir doit être tenu au secret, à l’écart du profane ; peut-être aussi parce que, selon l’adage du Tao-te-King, « Celui qui parle ne sait pas, celui qui sait ne parle pas », que certain silence est la manifestation de la plénitude spirituelle. La femme occultée est devenue femme secrète.
Les femmes se sont tues, de gré ou de force, et les hommes ne leur ont pas posé de question ; ils ont continué à bavarder au lieu de vivre, à se rassurer avec leur étroite et prudente raison au lieu de s’ouvrir à l’inconnu. Le cortège féminin du Graal continue son étrange cérémonie, et Perceval échoue dans sa quête parce que précisément il ne pose aucune question à cette coupe d’abondance, bien féminine…


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