Et si les
héros des quêtes mythologiques et légendaires appartiennent toujours au sexe
mâle, c’est aux femmes, en revanche, qu’est dévolue la mission d’impulser et de
guider ces quêtes. De la merveilleuse pucelle jusqu’à la sorcière, car la femme
est multiple et peut prendre tous les visages, ce sont elles qui animent
l’homme, le mobilisent, lui insufflent l’énergie sacrée qui le pousse à agir.
Et c’est encore elle, la femme, qui est la plupart du temps au terme de la
quête. C’est en s’unissant à elle que l’homme acquiert le pouvoir qu’elle
détient (car dans la tradition celtique, c’est la femme qui incarne le pouvoir
et qui le délègue, pour qu’il l’exerce, à l’homme qui assure auprès d’elle sa
fonction virile). Et c’est dans cette union aussi qu’il peut vivre, durant
quelques instants, l’expérience du retour à la divinité initiale, avant-goût
d’éternité puisque retour à l’état d’incréé qui ne s’inscrit pas encore dans le
temps, but ultime de toute recherche spirituelle.
Sans la
femme, qu’elle soit mère, sœur, épouse ou amante (mais n’est-elle pas toujours
cela à la fois ?), l’homme donc ne peut ni réaliser pleinement son destin
d’homme, ni atteindre sa dimension divine et cosmique, ni exercer aucun pouvoir
véritable. Et réciproquement, l’homme est nécessaire à la femme pour exercer
justement le pouvoir qu’elle lui transmet, pour devenir par elle
l’équilibrateur entre les forces du ciel et de la terre dont elle est le
réceptacle et la médiatrice et lui permettre de vivre la dimension authentique
et totale de sa féminité.
Mais la
femme nécessaire à l’homme, celle qui peut le féconder de son énergie et le
rendre capable d’affronter tous les dangers, de surmonter toutes les épreuves,
d’accomplir toutes les actions héroïques, ne peut être que la femme libre et
sacrée, incarnation de la divinité, et non cette image castrée d’eux-mêmes que
les hommes des sociétés phallocratiques se sont fabriquée et qu’ils tiennent à
leur merci, à leur plus grand détriment d’ailleurs. Et cette femme sacrée est
d’essence solaire, comme la Déesse-mère Cosmique, comme Iseult la blonde et les
grandes reines de la tradition mythologique, comme toutes les princesses aux
cheveux d’or des contes et légendes populaires. Mario Mercier (La Nature et
le sacré. Ed. Dangles.) qui l’évoque selon la tradition chamanique
(laquelle rejoint en un certain nombre de points la tradition druidique) parle
ainsi d’elle : «… la femme, dont le ventre est ouvert aux puissances cosmiques
de la fécondation, peut transformer les fluides viciés de l’homme en fluides
bénéfiques. C’est pour cette raison qu’elle restera toujours son inspiratrice,
car étant masculine sur le plan astral, elle féconde son partenaire à l’aide de
son pénis de lumière… »
Chez nos
lointains ancêtres indo-européens, il n’était pas besoin de faire appel à une
masculinité astrale de la femme, le soleil étant considéré comme l’astre
féminin, actif, énergétique et chaud, tandis que la lune était l’astre
masculin, froid et passif, que le soleil fécondait. En témoignent les langues
celtiques, germaniques et sémitiques où soleil est du genre féminin et lune du
genre masculin. Mais l’ordre paternel de la civilisation androcratique a
inversé les symboles pour s’attribuer illusoirement le pouvoir actif solaire de
la femme qu’il reléguait, ce faisant, dans la passivité lunaire. Or pourtant,
que sont les valeurs de cet ordre paternel sinon des valeurs froides : raison,
abstraction, science, rigueur, logique, contrôle, ordre, législation, travail,
rentabilité… ? Tandis que les valeurs de l’ordre maternel sont des valeurs essentiellement
chaudes : sensibilité, sensualité, plaisir, jouissance, amour, créativité,
imagination, fantaisie, intuition… Je ne veux pas dire par là qu’il n’y a chez
l’homme que des valeurs masculines et chez la femme que des valeurs féminines.
Je pense, au contraire, qu’il y a en chacun de nous une part plus ou moins
importante de valeurs du sexe opposé, comme il y a toujours du yin dans le yang
et du yang dans le yin, ce qui n’autorise pas pour autant à prétendre que le
yin est du yang, ni que le yang est du yin.
Les
femmes qui apparaissent comme des initiatrices sont toujours dénommées « dames
d’amour », de même que l’Alchimie s’appelle aussi « Art d’amour ». Par son
corps, la femme initie l’homme aux mystères de la vie, fait retrouver à l’homme
le sens de son propre corps, lui permet d’incarner ses théories, de donner vie
à ses idées. Les femmes ont la grande chance d’avoir l’âme bien en chair ; et
l’approche spirituelle coïncide avec la découverte de sa propre féminité. C’est
ainsi que lorsque des mystiques (hommes) parlent de leurs extases, ils
s’expriment volontiers au féminin. Par exemple Jean de la Croix, dans son Cantique spirituel :
« Où êtes-vous caché, O Bien-aimé,
et
pourquoi m’avez-vous laissée gémissante ?
Comme le
cerf vous avez fui
Après m’avoir
blessée
Je suis
sortie après vous en criant, et vous êtes parti. »
Joëlle Sicart
est psychothérapeute, spécialiste de la tradition celte
Merci Madame, j'ai du mal à trouver des textes de qualité sur ce sujet. Ce matin, j'ai de la chance.
RépondreSupprimerMme Theryca