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jeudi 5 novembre 2015

Vrai deuil d’une fausse couche



La vie qui grandissait en moi n’est plus. J’accueillais timidement ces signes qui me parlaient de vie, j’ouvrais mon cœur à ce petit être qui m’a choisie pour s’incarner le temps d’une traversée dont je ne connaissais pas la durée,… sournoisement le doute s’est glissé jusqu’à la certitude. Tu as choisi de repartir. Je suis heureuse de t’avoir aimé.




Ces moments sont souvent banalisés, enterrés au plus profond du cœur des femmes parce que l’on ne sait pas quoi en faire : cet enfant n’a pas vraiment existé, parfois on ne l’a même pas vu, il ne figure pas sur le livret de famille… 
Qu’est-ce que la vie ? Mes cellules naissent et meurent au fil des jours dans un cycle perpétuel… Qu’est-ce qui fait que je demeure, même si tout ce qui me constitue ne cesse de mourir et de naître ?


En naissant à la vie aérienne, on meurt à la vie aquatique et on se déleste de nos organes spécifiques à ce milieu (placenta, cordon, membranes) devenus inutiles. 


Lors du passage de la vie aérienne à la vie que j’appellerai étherique, nous nous délestons de notre corps cellulaire et le rendons à la Terre. Chaque mort est une transformation. La vie est une spirale dont la mort est un passage à une autre spire. 
Accueillir les signes au creux de mon corps et m’ouvrir au passage sans me crisper sur l’avoir. M’ouvrir à la transformation, transformation du projet, transformation de ce que je sentais plein en quelque chose que je perçois vide, transformation du lien. Ne pas avoir peur de cette ombre qui prend toute la place et remplace le rêve. 
Accepter de lui offrir le temple de son utérus comme linceul ; l’accompagner en conscience vers cet au-delà que l’on ne connait pas et dont il est si proche.
Pour moi tu seras Gabriel(le). Tu seras un ange, une étoile, un papillon ; tu seras là, dans mon cœur. 


Prendre le temps de nommer, déposer une image au cœur de l’espace vide, au cœur de l’ombre, une image que l’on peut respirer. Le présenter à la fratrie présente ou à venir ; sentir qu’il y a sa place, ce qui permet à chaque enfant d’avoir sa juste place et non celle de l’autre, de celui dont on ne parle pas.


Prendre le temps d’exprimer tout ce qu’on a à lui dire en choisissant le mode d’expression qui nous convient : l’écriture, la peinture, la sculpture, le chant, le mouvement… Lui léguer notre peine et lui dédier un projet que l’on fera en pensée avec lui, à la manière d’un testament. 


A toi Gabriel(le), mon enfant que je n’ai jamais vu, mon premier né, je lègue cette pierre tombale qui pèse si lourd au creux de mon ventre…


A toi,… Je dédie ce voyage dans le pays de mon enfance que je voulais te faire découvrir…


Créer un espace sacré, dans un lieu qui vous sied, avec ce dont vous avez besoin pour vous accompagner : encens, statuettes, objets de la nature, icones, musique... Allumez une bougie en conscience pour vous mettre en présence de l’instant. 


Prenez la position qui vous convient pour vous sentir reliée à toutes les mères. Laissez la Terre vous accueillir dans ses bras et le Ciel déposer ses mains sur vos épaules. Localisez cette peine dans votre corps, inspirez-la jusque dans votre cœur et soufflez votre amour dans toutes vos cellules : vous transformez ainsi la peine en amour. Appelez ce petit être. Accueillez-le dans vos mains, prenez le temps ; puis lentement portez vos mains à vos lèvres comme si vous le teniez dans le creux de vos paumes, laissez venir les mots ou les sons ou le souffle, autorisez votre spontanéité ; puis quand c’est juste pour vous, ouvrez vos mains comme pour laisser un papillon s’envoler. Accueillez les images ; ouvrez un espace pour écouter ce qu’il a à vous dire puis laissez-le partir vers la lumière, laissez-le s’envoler. 

Vous pourrez enterrer ce qu’il a laissé sur la Terre. Si vous n’avez pas pu récupérer son corps, vous pouvez le concrétiser avec de l’argile, de la mie de pain, du tissus, un dessin ou tout autre fruit de votre création. Choisissez l’endroit où vous voulez l’enterrer, faites brûler de l’encens ou de la sauge dans le creux de la Terre, enfumez le corps ou sa représentation. Le corps doit être enterré, sa représentation peut être disposée sur une sorte de totem. Rien ne vous empêche de faire les deux. Trouvez les mots, les sons, les gestes pour accompagner ce moment.


Je vous inviterai tous les jours à lire le testament jusqu’à ce qu’il soit vide d’émotion. A ce moment, vous pouvez le transformer, par exemple le brûler avec de la sauge, le mêler à la terre, ou le confier à l’air ou à l’eau. C’est l’occasion de faire un nouveau rituel marquant la fin du deuil.


Ce rituel peut se faire même des années après la mort d’un enfant in-utéro. 

Maïtie Trélaün



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