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dimanche 10 août 2014

La puissance du sang féminin


Un très célèbre sculpture sur l’entrée d’une caverne ancienne utilisée pour un rituel de groupe est la « Vénus de Laussel » d’environ la même période que Pech-Merle (remontant peut-être à 30 000 avant JC, peut-être moins). Elle présente l’habituel ventre de femme enceinte, avec sa main posée sur lui; son autre main tient en l’air une corne (symbole du croissant de lune), avec treize marques gravées dessus (les 13 mois lunaires de l’année) et peinte d’ocre rouge (symbole du sang de la vie). 



L’ocre rouge a également été utilisé dans les civilisations anciennes sur les corps des morts qui étaient manifestement enterrés avec cérémonie et respect. Le sang de la Déesse était la magie à travers laquelle nous entrions dans la vie; et il représentait les bras en attente de la Mère qui nous prenaient à la fin. Le sang de la vie (la naissance) et le sang de la mort (la menstruation) appartenaient tous les deux à la Mère de Toutes Choses, la Maitresse des Animaux, la Dame des Bêtes. 

L’efficacité magique du sang est universellement reconnu. La puissance du sang des menstruations et l’accouchement est reconnu, par exemple, dans les rites des chamans tibétains et lamas. 

Durdin-Robertson affirme que le premier sang à l’autel était du sang menstruel des femmes, une force « donnée de façon naturelle et vivante dans leurs cycles mensuels. » Le « pouvoir de l’autel » était le « pouvoir du sang », cette substance qui « augmente la vitalité, affecte les autres mondes, et construit des formes pour les esprits ou les ombres demeurant ici, et les aide à se manifester et à communiquer. » Il suggère que toute l’éthique de la religion repose sur la question de savoir où obtenir le sang nécessaire. L’ancienne religion matriarcale, dit-il, l’obtenait naturellement . 

Lorsque que cette religion a été éliminée et remplacée dans le monde entier par le patriarcat (l’institutionnalisation du Père), le sang a dû être obtenu par d’autres moyens. Des animaux et des humains ont été sacrifiés pour leur force de vie précieuse, pratique qui se perpétue encore aujourd’hui. 


cette image représente : « LA MORT », tirée des cartes de tarot Motherpeace créées par Vicki Noble et Karen Vogel (© Motherpeace 1981, US Games, Inc 1983) 

Avant l’avènement de l’éclairage électrique et de la famille nucléaire, quand les femmes vivaient et travaillaient ensemble en tant qu’unité collective, elles saignaient aussi et ovulaient ensemble en synchronisation avec la lumière et les cycles de la lune. Imaginez un instant la puissance incroyable qui doit avoir existé lorsque le groupe des femmes dans son ensemble avaient leurs menstruations en même temps! La religion des femmes était reliée au culte de la Lune dans toutes les cultures; et la Lune est reliée à la Terre (comme la Mère à sa fille). Les « loges de pleine lune » amérindiennes nous rappellent encore cet héritage. Les mystères du cycle naissance – mort – renaissance appartiennent à la femme, tout comme ils appartiennent à la Lune qui change, meurt et renait chaque mois. Le symbole de la Déesse par excellence est le serpent qui mue, renvoyant au revêtement de la muqueuse utérine qui s’épanche chaque mois dans un processus de mort organique naturel à la femme. 

Le grand « berceau de la civilisation » de Sumer (plus tard, Babylone) détient les origines de l’écriture, des sciences, des mathématiques, des premiers codes législatifs, et des divisions de la culture en strates de classe. La première écriture connue est l’histoire de la Déesse sumérienne Inanna (plus tard la babylonienne Ishtar) et son développement commençant comme jeune fille, arrivant à la maturité de la féminité sexuelle complète, et finalement voyageant dans les Mondes inférieurs pour faire face à la déesse de la mort (pendant trois jours!) et à la pourriture . Cela correspond au cycle de l’ovulation et des menstruations, et au symbolisme lunaire de la Grande Déesse dans sa trinité: Fille, Mère, Femme âgée. Elle croît (renait), grandit jusqu’à la plénitude (exprime sa nature érotique, ovule, devient une mère) et décroît (meurt, a ses règles, devient inconsciente; « la libido s’affaisse sur elle-même » comme le décrit Nor Hall ). Et toujours – c’est central dans le mythe du principe de régénération féminine – elle renaît une fois de plus. 

Dans les Tantras indiens, la puissance « rouge » d’une femme est sa puissance sexuelle. C’est seulement quand une femme gourou a ses règles qu’un homme peut être initié par elle dans la religion tantrique. La Kali rouge et sanglante est la personnification archétypale de cette puissance; elle s’accroupit sur le corps tranquille de son amant, Shiva, alors qu’ils s’engagent dans l’union sexuelle. Elle est surtout connue pour sa tendance à couper la tête de Shiva, sectionner son œil ou son esprit rationnel. Il meurt à sa conscience ordinaire (devient un cadavre), lorsqu’elle le mène à la conscience extraordinaire par l’état tantrique d’union et de grâce. La Kali noire est l’aspect inférieur d’Aphrodite, la déesse grecque de l’amour sexuel et érotique. Kali ne se prête pas aux fantasmes masculins de ce qu’est une femme; elle agit par la puissance qui existe en elle. Elle « fait monter la Kundalini » qui se manifeste par son activité sexuelle divine. 

Il n’est pas facile à notre époque d’imaginer la puissance chamanique inhérente aux menstruations. Avec beaucoup de femmes de ce pays qui souffrent de syndrome prémenstruel (SPM) et qui considèrent leurs menstruations comme gênantes, douloureuses, ou fondamentalement négatives, les idées de « pouvoir psychique » ou « puissance féminine » liées à la menstruation peuvent paraitre incroyables. Pourtant, jusqu’à une période récente, une femme dans son temps de saignement était considérée comme étant dans un état de conscience élevé et dans la sagesse. Dans les cultures anciennes et primitives, les femmes allaient « sous terre » pendant trois jours et n’agissaient pas selon les façons ordinaires. Elles étaient à l’écoute de leurs capacités psychiques innées de ce moment magique, s’ouvrant aux messages oraculaires du royaume de l’esprit. Elles faisaient cette lecture intérieure dans l’intérêt de toute la communauté, agissant comme des chamanes ou guérisseuses, plutôt que comme des personnes individuelles. 


SOURCE : Sun Bear, with Wabun and Barry Weinstock, The path of power, Bear Tribe Publishing, Spokane, USA, 1983. Traduction A. Boudet site : http://spirit-science.fr/doc_psycho/sexualite.html#mozTocId379121 

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