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lundi 7 juillet 2014

Une femme libre au cœur du XXe siècle


Elle a osé provoquer les ruptures nécessaires à son affranchissement. A l’avant-garde de la modernité, “le Castor”, compagne de route de Sartre, a ouvert la voie au féminisme. « Une nuit, je sommais Dieu, s’il existait, de se déclarer. Il se tint coi et plus jamais je ne lui adressais la parole. »


Eduquée par une mère confite en dévotions, élève au très catholique Cours Désir jusqu’à son bachot, Simone de Beauvoir n’a guère plus de 14 ans lorsqu’elle prend ses distances avec le Dieu de son enfance. « J’étais seule. Seule : pour la première fois, je comprenais le sens terrible de ce mot. » Vécue dans la douleur et la culpabilité, cette rupture est symbolique. Elle préfigure toutes les autres. Celle avec son milieu, avec la pression sociale et familiale (« Dans mon milieu, on trouvait alors incongru qu’une jeune fille fit des études poussées : prendre un métier, c’était déchoir. »).
A 21 ans, Simone de Beauvoir est la plus jeune agrégée de France, elle rencontre Jean-Paul Sartre. La « vraie vie » commence, et elle sera particulièrement féconde. Professeur iconoclaste, romancière primée, mémorialiste adulée, féministe engagée… Avec un joyeux mépris des convenances, elle va se bâtir un destin à sa mesure, dessinant au fil de ses livres une pensée qui peut, encore aujourd’hui, être source d’inspiration.
En voici quelques clés.

“On ne naît pas femme, on le devient”

 Provocatrice, un peu mystérieuse, la formule, parue en 1949 dans "Le Deuxième Sexe"et aujourd’hui reprise sur plus de quatre vingt mille sites Internet, a fait le tour du monde. 

Dans cet essai traduit en plus de cinquante langues, Simone de Beauvoir dénonce le conditionnement qui pèse sur les femmes dès le berceau. Si elles sont plus cajolées, c’est que l’on a pour elles de moins grands desseins que pour leurs frères. On les programme pour plaire, pour se faire « objets », pour accomplir sans états d’âme leur destinée naturelle qui passe forcément par le mariage – « qui les subordonne encore pratiquement à l’homme », s’indigne-t-elle – et par la maternité. « La civilisation patriarcale a voué la femme à la chasteté ; on reconnaît plus ou moins ouvertement le droit du mâle à assouvir ses désirs sexuels, tandis que la femme est confinée dans le mariage. »

Or les particularités morphologiques et sexuelles de la femme ne sauraient justifier une quelconque infériorité par rapport à l’homme. Analysant les raisons millénaires qui accordent la suprématie « non au sexe qui engendre, mais à celui qui tue », Simone de Beauvoir incite les femmes à ne pas se laisser enfermer dans leurs « fonctions de femelles », à vivre comme des sujets conscients. A devenir des femmes libres.
“Un amour nécessaire, des amours contingentes”
Le compagnonnage, plus intellectuel que charnel, qui va la lier à Jean-Paul Sartre pendant plus de cinquante ans sera un amour « nécessaire », mais tous deux vont connaître aussi bien d’autres amours « contingentes ».

Simone de Beauvoir n’entend pas se dessécher dans la sécurité d’une relation monogame. « A quoi bon par exemple habiter sous un même toit quand le monde était notre propriété commune ? » s’interroge-t-elle. Rien, pas même l’amour, ne doit être une entrave à cet impératif de vivre intensément, d’explorer le monde, de se donner corps et âme aux joies et aux chagrins de l’existence, aux expériences multiples, aux rencontres… quitte à en payer parfois le prix.
“Devenir existentialiste”
Sous l’impulsion de Sartre, Simone de Beauvoir sera l’une des grandes figures de la philosophie existentialiste, plaçant la liberté au-dessus de tout. L’homme n’est pas déterminé par une essence préétablie, il se définit par ses choix, ses engagements, son existence. Cette liberté est à la fois son plus beau cadeau et son plus lourd fardeau. « S’il m’a paru si naturel de devenir “existentialiste”, c’est que toute mon histoire m’y préparait. […] Déjà, à 19 ans, j’étais persuadée qu’il appartient à l’homme, à lui seul, de donner un sens à sa vie, et qu’il y suffit. »

La femme n’est victime d’aucune mystérieuse fatalité : il ne faut pas conclure que ses ovaires la condamnent à vivre éternellement à genoux

Simone de Beauvoir

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