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samedi 5 juillet 2014

LES RELATIONS DE POUVOIR EXTREME





Femme battues, femmes violées, femmes prostituées, toutes ces femmes que nous sommes, ou avons été, ou avons eu peur d’être, ou avons failli être, ou nous vantons de ne pas être, toutes ces femme nous concernent.

Cette domination brutale dont elles sont victimes – même si elles l’acceptent et il faudrait savoir à la sui de quoi – n’est que la forme extrême du pouvoir que les hommes exercent sur nous toutes.

La lutte sera longue, car les mentalités sont faussées. Qu’on en juge :
"Mon mari ne s’entend par avec moi, mais cela se passe à un très haut niveau -… ? Oui il ne me bat pas".

Réflexion d’une femme d’un milieu bourgeois libéral, très aisé et très cultive.
"Le malheur des hommes est den pouvoir posséder toutes les femmes qu’lis désirent". dit un homme de quarante-cinq ans, le modèle des maris et des pères.

Les préjugés et la peur paralysent encore beaucoup de femmes, isolées dans leur foyer, et contraintes à offrir l’image de la réussite conjugale (puisque la réussite sociale est encore considérée comme une "compensation"). Ceci pour les femmes battues.

Pour les femmes violées, c’est le : "Tu l’as bien cherché".
Pour les prostituées, c’est le mystère inquiétant, ambigu : es femmes respectables les regardent à la dérobée, ces remplaçantes d’une heure, et ce consolent en pensant que "les hommes sont faits comme ça".

Nous remettons en cause la domination de la femme par l’homme, telle qu’elle est vécu dans le privé, et telle que la société la constitue et la perpétue.

LES FEMMES BATTUES
Une prise de conscience est en train de s’opérer, des mouvements de solidarité s’organisent, des maisons pour femmes battues s’ouvrent à l’étranger et dans certaines villes françaises. Nous, femmes de Choisir, soutenons toutes ces actions.

Nous pensons que la théorie mise à la mode par les média et une "certaine" sexologie selon laquelle la femme "aime ça" est une imposture scandaleuse. Le 1% (peut-être) ne concerne absolument pas l’immense majorité des femmes qui subissent. En réalité, non seulement les femmes subissent les coups, mais en outre elles en tirent un sentiment de honte, d’humiliation ; le sentiment de n’être rien.

Par ailleurs, la nécessité de faire des démarches, d’aller à la police, de s’expliquer devant des hommes et d’être obligées de revenir pour les enfants, avec le risque d’être battues encore plus fort au retour, les paralyse. Et si les maris sont en prison, elles tremblent de les voir réapparaître, une fois sa peine purgée, et de retomber sous leur domination. Elles sont enfin souvent piégées par leurs sentiments et par l’"amour". Elles hésitent à faire envoyer leurs maris en prison. Elles ont peur d’envisager le divorce, elles se sentent solidaires de leur mari. Meurtries physiquement, elles sont moralement désorientées, diminuées.

NOUS PROPOSIONS dans les années 1975

1.      Une information systématique, générale et continue par les média, dans les émissions féministes, sur les démarches à suivre. 
2.      la multiplication des centres d’accueil, à condition que ceux-ci n’accentuent pas la marginalisation des femmes, mais apportent une information et une aide non seulement psychologique, pratique ou juridique, mais offrent une formation professionnelle.
3.      en effet, la véritable solution, qui permettra aux femmes de quitter définitivement l’homme qui les but, est dans leur insertion dans la vie économique, professionnelle.

Nous ne le dirons jamais assez ; par ce moyen, la femme a une alternative au milieu fermé du foyer, elle exerce de véritables responsabilités (même si elles sont faibles), elle ne crée de nouvelles relations. Elle peut comparer et réfléchir. Elle réduit l’important de la famille à de plus juste proportions. Elle, morceau de chair maltraité, utilisant son cerveau, ses mains, reprend ou acquiert une dignité nouvelle. Tout se tient des mentalités aux structures et inversement.

Si les équipements sociaux existent, si l’éducation et les média corrigent les images déformées qu’elles forgent et véhiculent actuellement sur la femme, si la femme vit sa propre sexualité au lieu de subir passivement celle – supposée violente ici – de l’homme, si la femme exerce une profession et envisage une vie autonome sans crainte d’être dévalorisée ou d’être considérée comme une marginale, alors la société cessant d’être sexiste et répressive, les comportements individuels s’en trouveront modifiés. Il n’y aura plus cette fausse complémentarité, ou cette complicité, source de tant de déboires et de vies ratées.

LES FEMMES VIOLEES
Depuis des millénaires, c’est lui qui propose et c’est elle qui répond, accepte ou refuse. En dehors des institutions créées par les hommes entre eux, pour légaliser le viol, par le mariage, ces institutions sacrosaintes ou légales, le viol constitue un retour au droit du plus fort, dans une société qui est obligée – sous la pression des femmes – de donner à ces dernières uns emblant de liberté.

Le viol, "effraction du corps de la femme", est la forme la plus exacerbée du rapport de force. Il est violence. Mais il est aussi effraction dans son esprit, dans sa conscience ; car, par un paradoxe scandaleux, il a été tabou pour les femmes qui le subissaient, hors de la famille ou dans la famille (c’est le cas de l’inceste) et, en outre, se taisaient, humiliées, comme si elles avaient été coupables. On a été jusqu’à inventer des maladies mentales, objet de très sérieuses réflexions scientifiques et on a diagnostiqué des maladies mystérieuses, de femmes, bien entendu, qui en fait, avait été victimes de viol ou quasi-viol. Condamnées à se taire, en raison du prestige moral attaché au père, elles se voyaient traitées de folles ou de malades.

L’enquête de moralité déshabille complètement la vie privée de la femme. Elle subit l’interrogatoire des policiers, des magistrats instructeurs, du psychiatre. On lui fait enfin un procès d’intention pour le moindre de ses gestes, de ses regards, de ses vêtements. On viendra lui reprocher de s’être lavée après… pour se purifier physiquement et moralement : quelle idée ! On lui reprochera de s’être promenée seule dans un endroit peu fréquenté …

C’est aussi pour ces raisons que les femmes se sont senties à ce point solidaires de leur sœurs victimes, qu’elles ont décidé de les aider à aller jusqu’u bout du chemin difficile qu’elles avaient choisi ; car si terrible que soit l’épreuve, celles qui sont allées au-delà ont pu réaliser qu’il était urgent, essentiel pour d’autres, pour les autres, que ce crime odieux soit dénoncé pour ne plus jamais exister. Elles ont  compris que l’enjeu est grave ; c’est la dignité de la femme qui est en cause, une valeur morale permanente, une liberté fondamentale ; il faut qu’elles fassent comprendre qu’elle doit être protégée,  juridiquement protégée. C’est pour quoi Choisir a exprimé très fortement la nécessité pur son association de se constituer partie civile en tant que telle aux côtés de la victime qu’elle défend en 1977.


Extrait de Choisir la cause des Femmes de Gisèle Halimi.

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